Suis-je trop mince? Non, et ça suffit!
J’ai longtemps hésité avant de publier ce texte parce qu’il est plutôt rare que je partage mes états d’âme au grand public. Mais je me suis rendue compte que beaucoup de filles, considérées (et je dirais même étiquetées) comme « trop minces », vivent exactement la même situation que moi et ce, depuis l’enfance ou l’adolescence. Nous vivons avec une constante angoisse face à notre poids, jugé trop bas par les autres. Et cette angoisse, elle devient quasi obsessive. La question qui me hante jour après jour et qu’on me rappelle régulièrement : Suis-je trop mince? Du haut de mes 5p5 / 105 lbs, je réponds non, et ça suffit!
On va mettre les choses au clair
Si le sujet le plus intéressant dont tu veux discuter quand tu me croises est mon poids… je n’ai clairement pas besoin de ta présence dans ma vie. Devoir justifier mon poids et rassurer sur le fait que OUI, je mange à ma faim comme tout le monde, NON je ne suis pas malade, OUI ma génétique fait en sorte que mon métabolisme a de la difficulté à conserver les graisses et NON je ne suis pas de diète spéciale… j’en suis sincèrement lassée. Ces discussions impertinentes me donne toujours l’impression d’être ô combien anormale.
C’est juste des blagues!
Les gens se donnent le droit (ou devrais-je plutôt dire les femmes), à la blague, de me dire toutes sortes de commentaires maladroits, tel que : « Elle est sur le point de disparaître!« Parfois, ils sont plutôt blessants et directs : « Es-tu anorexique? Ça te prendrait un bon 10 lbs de plus, il me semble! » Des phrases semblables lancées à mon égard, je ne les compte plus.
D’ailleurs, je me suis toujours demandée pourquoi les gens ont si peu de retenue à parler de façon aussi directe à quelqu’un de mince. Personne n’oserait même effleurer le sujet avec quelqu’un en surpoids, puisque ce serait socialement inacceptable et considéré offensant.
Et si on inversait le tout?
Inversons maintenant la chose. Serait-ce socialement acceptable d’aborder une personne souffrant d’embonpoint en lui disant : « Mon dieu, t’es tellement grosse… as-tu engraissé?! Es-tu malade? Oh la la, toujours aussi grosse toi! »
J’en doute! Imaginez le malaise. Sachez que ces commentaires disgracieux et jugements portés, envers le poids des personnes minces, affectent tout autant mentalement. Je sais qu’il n’y a parfois aucune mauvaise intention derrière ces paroles, mais ayez au moins la délicatesse de choisir vos mots. D’ailleurs, le mot « maigre » devrait être banni du dictionnaire. Si vous saviez à quel point on déteste cet adjectif pour nous définir : la p’tite maigre, la maigrichonne. Il n’y a rien de plus insultant.
Malaises
À gauche, vous trouverez quelques phrases qu’on m’a déjà dites ou que j’ai entendues dans ma vie d’adulte, prononcées par des adultes. Inversons ensuite les choses dans la colonne de droite… malaises instantanés.
Personne mince | Personne en surpoids |
Mange! Ça te fera pas de tort. | Arrête de manger! As-tu vu de quoi t’as l’air? |
Es-tu anorexique? | Es-tu obèse? |
Bon, encore aussi p’tite! T’engraisses jamais toi. | Bon, encore aussi grosse! T’engraisses toujours toi. |
T’as l’air malade, ça te prendrait un bon 10 lbs de plus. | T’as l’air malade, tu devrais perdre un bon 10 lbs. |
J’ai l’impression que tu vas casser en deux. | J’ai l’impression que tu vas exploser. |
Coudonc, comment ça tu restes toujours aussi maigre? | Coudonc, comment ça tu restes toujours aussi grosse? |
Un peu plus et on te voit pu! | Un peu plus et on ne verra que toi! |
T’es tellement maigre, j’ai jamais vu ça être aussi petite. | T’es tellement ronde, j’ai jamais vu ça être aussi grosse. |
Voyez que ça démontre une toute autre perspective sur le sujet. La colonne de droite semble beaucoup plus choquante que celle de gauche et pourtant, l’effet psychologique demeure le même et nous atteint aussi. Parfois, il faut seulement prendre un moment pour mesurer la portée de ses paroles.
T’as pas le droit de te plaindre, tu es mince!
Dans notre société, on affirme toujours qu’une personne mince a été choyée par la vie, qu’elle devrait toujours se sentir bien dans sa peau, qu’elle est chanceuse de pouvoir toujours manger TOUT ce qu’elle veut parce qu’elle est donc bien mince, qu’elle n’a pas besoin de faire de l’exercice… et j’en passe.
Or, elle n’a jamais le droit de se plaindre sur son physique. Tout ça, on me le répète depuis des années. Impossible de me plaindre sur le fait que j’ai de la difficulté à me trouver des vêtements, que je dois doser mes activités de cardio car sinon je perds du poids, que je dois faire attention à ce que je mange car j’ai fait beaucoup de cholestérol dans ma vingtaine, que y’a des matins où je me trouve moche dans le miroir et que OUI, j’ai de la cellulite sur les cuisses moi aussi! Ah et la cerise sur le sundae : si j’ai le malheur de perdre 2-3 lbs, eh bien ça me prendra presque 6 mois à les reprendre de peine et de misère.
Mais tout ça, je dois le garder pour moi car sinon on me juge, on s’en moque, on roule les yeux et on passe à un autre sujet.
On parle souvent des personnes en surpoids qui ont de la difficulté à perdre quelques livres. Sachez que cette bataille existe aussi pour les personnes minces voulant prendre du poids. Elle est tout aussi ardue et elle entraîne son lot de hauts et de bas. Être mince n’est pas toujours une mince affaire… pour ne pas faire de mauvais jeu de mots!
Mon histoire, mon passé
Non, je ne fais pas pitié. Oui, je suis choyée d’être mince, certains diront, mais sachez que le sujet du poids peut être tout aussi délicat lorsque vous ne connaissez pas l’histoire et le passé d’une personne mince. Laissez-moi vous parler brièvement de la mienne.
Entre 8 et 13 ans – On m’a traitée de tous les noms (et je vous les épargne) parce que j’étais atypique, trop mince à comparer des autres dans ma nouvelle école. Cette obsession du poids m’a envahie dès ce tout jeune âge.
À 14 ans – J’enfilais des joggings ouatés sous mes jeans comme bourrure pour paraître plus ronde et plus en santé. Les pantalons vendus en magasin ne me faisaient JAMAIS. Les grandeurs 00 étaient trop amples pour mes petites jambes. « Être à la mode », c’était pas trop dans mon vocabulaire. Tu prends ce qui est proche de te faire et c’est tout.
De 14 à 16 ans – Quand mes amies se promenaient en t-shirt ou en camisole durant l’été, j’étais celle qui portait des manches 3/4 ou des manches longues. J’avais chaud. J’endurais. Je les enviais.
À 17 ans – J’ai fait le grand saut! Mon bal de finissants approchait. Pas question de ne pas porter de robe de princesse. Coincée comme jamais, tous mes amis du secondaire ont vu mes petits bras dénudés et ce, pour la première fois. Pouvez-vous croire que ça m’angoissait?! C’était le début de mon « lâcher prise ».
De 17 à 19 ans – Je me suis mise à engloutir des quantités incroyables de fast-food pour pouvoir engraisser : frites, chocolatines, croquettes de poulet, pizza. Résultat : j’engraisse de quelques livres, mais mon médecin m’annonce que je fais beaucoup de cholestérol pour mon âge et pense à me prescrire des médicaments! On retourne à la case départ…
À 21 ans – J’arrête de suivre des cours de danse pendant 1 an en me disant, qu’en ne faisant plus autant d’exercice, je risque enfin de prendre du poids. Mon objectif était d’atteindre le 100 lbs. En vain.
À mon travail – On s’est permis de me demander, en pleine conversation, si j’étais malade, si je me nourrissais bien…
À mon école de danse – Quand les spectacles de fin d’année approchaient, j’angoissais à l’idée de devoir enfiler un costume trop grand ou sans manches et de ne pas pouvoir performer avec une totale paix d’esprit.
Sur les plateaux de tournage – 50 % du temps, les costumes et vêtements sont trop grands. Les habilleuses doivent ajouter des pinces ou refaire les coutures parce que même le XS est parfois trop grand.
Mon estime à 33 ans
Je peux maintenant dire qu’à 33 ans, je me sens vraiment mieux dans ma peau, mais je mentirais de dire que je le suis à 100 %. Cette obsession de devoir engraisser, créée par les autres, refait parfois surface parce qu’on me rappelle constamment que je suis atypique. Y’a des jours où je me sens belle et fière et boom… on m’interpelle avec un des commentaires mentionnés plus haut et me revoici à faire un pas en arrière.
Rien n’y fait, je n’engraisse toujours pas car mon métabolisme est fait ainsi. On peut maintenant passer à un autre appel S.V.P ?
C’est pourquoi je dis à toutes les filles minces de ce monde, qui accueillent les jugements jour après jour, vous n’êtes pas seules et mettez votre pied à terre plus vite que je ne l’ai fait, parce qu’au fil du temps ça laisse des traces.
Suis je trop mince? Non.
Es-tu trop mince? Non, et ça suffit.
Crédits photos : freepik.com
À ne pas manquer :
Vous pensez que le maquillage est superficiel? Ce texte vous fera changer d’idée.
Nos meilleures adresses pour du yoga en plein air à Montréal et sur la Rive-Nord
Tranche de vie : mon expérience d’achat d’un sofa en pleine pandémie!