suicide
Santé et bien-être

Tu n’étais pas obligé d’aller aussi loin pour savoir qu’on t’aimait vraiment…

C’était un lundi. Un doux lundi ensoleillé. Un 22e jour d’automne. Relaxe sur ma chaise extérieure à profiter de ce ciel bleu avec aucun nuage. À l’intérieur, l’odeur réconfortante des muffins aux canneberges et chocolat dans le four. Tsé, une journée parfaite avant l’hiver.

J’ai reçu cet appel. J’le voulais pas finalement. Moi qui adore parler aux gens, là j’ai regretté d’avoir répondu. Ce jour parfait était rendu imparfait en un instant. J’ai entendu le cri le plus fort et le plus puissant dans mes oreilles. Un cri qui résonne encore aujourd’hui dans ma tête.

Le cri du désespoir d’une mère. Ce cri qui te traverse les tripes.

C’était un simple lundi, mais pour toi, c’était le dernier. Le dernier souffle de désespoir. Pour moi, c’était le début d’une respiration saccadée. J’ai ressenti le goût amer de mes muffins aux canneberges et chocolat toute la semaine. Miette par miette, mon estomac a fait l’effort de me soutenir dans cette dure semaine. J’haïs maintenant les maudits muffins à cette saveur. Ils goûtent amer. Ils goûtent le deuil.

Même dans ce lit étroit, tu as fait ton show off! Les policiers ont défilé devant l’église. Tu devais être fier. J’te vois encore avec ton sourire baveux, avec un peu d’arrogance, mais sans jamais un once de méchanceté, à nous regarder et te dire : “Voyez-vous tout le monde qui est là?!”

Franchement, tu as poussé un peu la note, tu n’étais pas obligé d’aller aussi loin pour savoir qu’on t’aimait vraiment.

J’ai encore l’image des hommes empathiques, devant le corbillard, saluant leurs condoléances et des cloches de l’église qui ont résonnées à l’intérieur de moi. Ça m’a transpercé la poitrine. J’ai eu le souffle coupé. J’pensais jamais vivre une telle douleur. Je me tue à croire que tu devais être là, présent. J’ai regardé le ciel gris et terne, les yeux boursouflés de larmes, et une envolée d’outardes s’est mise à danser au-dessus de nos têtes.

Tu pensais accumuler les échecs dans ta vie, mais tu as eu plusieurs séquences de réussite à ta mort.

Tu as réussi à instaurer le silence dans nos partys de Noël! On s’ennuie en maudit de ton grattage sur ta guitare à nous chanter “Rosie”. Même papa a perdu la voix, même à lui le silence lui a été imposé avant de nous quitter. Maman a ressenti cette douleur atroce, pendant de longues années, due à ton départ. Un 22e de printemps, elle t’a rejoint, mais cette fois-ci, son dernier souffle était sans souffrance. Une chance. J’espère qu’en haut, vous faites du bruit. Ça me manque. Mais je souhaite surtout que vous ayez réussi à trouver la paix.


Jt’en veux comme quand tu m’gossais. Le p’tit frère fatiguant qui ne me lâche pas. Dans ces moments-là, on pense à toutes ses choses qui nous sont passées par la tête, du genre : “J’aimerais mieux pas avoir de frère”. C’était une phrase sans aucun sens balancée dans mes élans de frustration. Y’avait rien de vrai. Crois-moi S.V.P. J’donnerais cher aujourd’hui pour que tu m’énerves. Comme à mes premières dates ou tu t’amusais à prendre le téléphone et à faire ton bébé pour m’écœurer. Digne d’un dernier de famille. Mais maintenant, j’accepterais volontiers t’entendre te foutre de ma gueule.

Sur mon visage, la peine a fait son chemin. Je réussis à rayonner de plus en plus et à chaque jour avec mon sourire. Je me permets de regarder vers l’avant, en prenant au quotidien le meilleur pour avancer. Aujourd’hui, je suis fière d’avoir franchi les premières années et je suis fière de vivre pleinement toutes les saisons. Les premières ont été toffs… vraiment. Mon premier printemps, en poussant la neige mouillée, lourde, je n’y croyais pas que j’avais réussi à passer au travers et je t’ai chuchoté avec ma voix émue : “Mon premier printemps sans toi!”

Mais j’veux dire une chose qui me met en criss de ton départ, c’est que tu as légué un des plus gros dommage collatéral à notre génétique. Le fardeau de l’explication.

Je dois expliquer à mon fils comment tu es parti. Cet oncle que l’on vénère lorsqu’on parle de lui, eh bien je devrai répondre un jour à cette question sans réponse qui me fracassera le cœur : “Mais comment il est mort mononcle, maman?”

J’anticipe ce jour, tu ne veux même pas l’imaginer. Mais je sais que lorsqu’il sera en âge de poser la question, je devrai y répondre. Et je lui laisserai cet héritage de suicide dans son sac à dos. Sérieux, ça fait chier. Tu m’en dois une, vraiment. “Cheap shot le frère!” Je devrai l’outiller pour l’avenir. Même si c’est plus cool de parler de soccer et de vélo avec mon kid.

J’aurais tant voulu te poser la question : “POURQUOI?” Mais avec le temps, je comprends que la réponse était de stopper ta souffrance, ce mal de vivre étouffé. Je te respecte. Je veux quand même te dire que j’aurais été là et que si d’autres personnes, comme toi, ont ces idées noires passagères de partir, ils doivent demander de l’aide. Ils doivent en parler.

D’ici, sur cette terre, je chante Toune d’automne des Cowboys Fringants et j’utilise ton marteau pour mes rénos. Ouin je sais, je n’ai aucune étoffe de la parfaite bricoleuse. Arrête de rire, c’était ton expertise, pas la mienne! Tu vois ma maîtrise ne m’apportait pas ce talent. Tu étais le meilleur, même sans scolarité. On s’en fiche des notes. Ce n’est pas un concours de qui était le plus scolarisé. Ça n’avait pas autant d’importance à mes yeux.

J’t’aime! Pratique-toi à la guitare pour le moment où je serai prête à chanter à tue-tête, au risque d’en perdre mon partiel. Check-moi bien swingner avec ma canne le frère. Mais pour l’instant, j’ai une vie merveilleuse à vivre et, grâce à mon parcours, j’inspire mes amis par mon courage, ma force et ma résilience. Et du plus profond de mon cœur, j’ai un fils à aimer, celui à qui j’ai choisi de donner la vie. Il mérite une mère présente et heureuse! Je dois lui prouver que chaque instant mérite d’être vécu, malgré ses hauts et ses bas!

Je penserai toujours à toi, surtout lorsque les outardes feront leur envolée au-dessus de ma tête. Je saurai à ce moment-là que, malgré la distance, tu es là… pour toujours.

Ressource d’aide au Québec :
Association québécoise de prévention du suicide
1 866 277-3553
www.aqps.info/
Faites un don : jedonneenligne.org/aqps/


Crédit photo principale : mindandi freepik.com

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Ma passion insatiable pour l'industrie de la beauté m’a amenée à suivre une multitude de formations en esthétique, coiffure, électrolyse/laser et maquillage. Entrepreneure née, j'ai fondé le studio Pure Couleur en 2009, l’Académie Pure Couleur en 2010 et fais l’acquisition, en 2014, de l’Artiste Maquilleur qui se spécialise en maquillage permanent. Depuis plus de 5 ans, je pratique le maquillage permanent à temps plein et organise des ateliers de formation pour aider les techniciennes à se dépasser et à s’améliorer. Ma motivation : partager mes techniques et mon savoir!

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